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Julien Carussi, l’homme qui a créé Highfield

Highfield est une réussite exceptionnelle. Lancée en 2011, la marque de semi-rigides est aujourd’hui considérée comme le numéro 1 mondial de la catégorie. À l’occasion de son passage en France, nous avons eu la chance de nous entretenir avec son fondateur et de découvrir qui se cache derrière cette marque désormais emblématique.

Youboat : Julien Carussi, peu de gens vous connaissent, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Julien Carussi : « Je suis originaire de Lille et j’ai grandi au milieu d’un secteur industriel qui a presque entièrement disparu aujourd’hui, le textile. J’ai commencé ma carrière professionnelle chez Pennel et Flipo, puis, comme j’avais déjà une petite expérience professionnelle en Chine, ils m’ont demandé, en 2007, de gérer le bureau de Shanghaï. À l’époque, nous n’avions pas beaucoup de clients dans l’univers du semi-rigide en Chine, mais j’en avais un peu plus en Australie et en Nouvelle-Zélande. Cela m’a vraiment permis de connaitre le marché et de me construire un réseau. Dans mes clients, j’avais un certain Scott Wilson, qui dirigeait Swift Marine en Australie et qui construisait des semi-rigides à coque aluminium. Je lui ai suggéré de construire des annexes à coque aluminium en chine pour attaquer d’autres marchés dans le monde, mais étant en fin de carrière, ça ne l’intéressait pas plus que cela. J’ai gardé l’idée dans un coin de ma tête et j’avais aussi dans mes connaissances Wang Ju, un industriel chinois qui fabriquait de petites annexes. Je lui ai parlé de l’idée et il m’a suivi. En 2010, avec Wang Ju et Scott, nous sous sommes donc réunis sur un salon en Australie et c’est là que le projet Highfield est né. Nous avons démarré avec les dessins de carène de Scott pour les petits bateaux et, en décembre 2010 nous nous sommes installés à Weihaï, une ville de l’est de la Chine, presque à mi-chemin entre Pékin et Shanghai. Ensuite tout est allé très vite. Notre premier distributeur fut l’Australie puis la France. En fait, je connaissais Yves Brintet, mais il importait d’autres marques. Nous avons réussi à le convaincre et en septembre 2011, nous avons fait notre premier Grand Pavois de La Rochelle avec Highfield. »

Youboat : Pourquoi avoir décidé de faire des annexes à fond aluminium et qui a dessiné les carènes ?

Julien Carussi : « L’aluminium est un matériau qui offre de multiples avantages. Il est léger, solide, ce qui représente déjà deux avantages pour une annexe. Son coût est assez proche de la fibre de verre , du moins il l’était à l’époque et en plus, avec des carènes en aluminium, nous n’avons pas besoin d’investir dans des moules, ce qui est très couteux. Après, je dois dire que j’étais jeune et je ne me posais pas trop de questions, notamment sur la réputation de l’aluminium, les problèmes d’électrolyse ou autres, nous nous sommes lancés, nous l’avons fait.

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Pour ce qui est du design, nous avons démarré, comme je vous l’aie dit, avec les mêmes carènes que les annexes de Scott Wilson. Nous avons fait quelques adaptations, mais cela nous a permis de constituer une petite gamme. Dans ma tête, le projet n’était de construire que des annexes. »

Youboat : Aviez-vous comme projet de travailler pour de multiples marques en sous-traitance ou vous vouliez dès le départ fabriquer exclusivement pour votre marque ?

Julien Carussi : « À cette période en Chine, il y avait des centaines de marques et beaucoup d’usines qui faisaient de la sous-traitance. Les clients tiraient les tarifs vers le bas et forcément aussi la qualité. Dès le départ je voulais vraiment créer une marque, ne pas travailler en sous-traitance, construire une image et vendre à l’international. Yves nous a bien aidé pour cela, il s’est investi et le fait que Lagoon adopte nos annexes nous a vraiment boosté. Du coup, la France est devenue notre premier marché. C’est aussi Yves qui nous a demandé de faire des bateaux plus grands. Dès avril 2011 nous avions un 460 dans la gamme puis est venu le 620, dessiné par un architecte naval australien. Les autres pays ont suivi puisque fin 2012, nous étions déjà distribués dans 12 pays dans le monde.

Youboat : Comment avez-vous travaillé votre image de marque ?

Julien Carussi : « C’est un besoin qui s’est fait ressentir rapidement. En 2015, j’ai rencontré Matthieu Coulon qui venait de partir de chez Zodiac. Je lui ai demandé de réfléchir à une stratégie pour augmenter notre notoriété. Il nous a conseillé de concentrer notre énergie sur les bateaux entre 5 et 6 mètres puis est venu un projet fou, celui d’être partenaire officiel du Vendée Globe. J’avoue que je n’y croyais pas beaucoup sachant que le précédent partenaire était Zodiac. À ma grande surprise, cela  a marché et nous nous sommes retrouvé avec le challenge de produire 50 bateaux semi-rigides en quelques mois alors que notre production totale de bateaux de plus de 5 m était à l’époque inférieure à 100 unités par an. Nous l’avons fait et le bateau du Vendée Globe a inauguré la carène de la série Patrol.

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Cela a également sonné le départ d’une montée en gamme avec l’avènement de la famille Patrol et des unités  de 6,60, 7,60 et 8,60 m. Pour améliorer notre image de marque, nous avons aussi augmenté la qualité de nos selleries, du revêtement de pont et de nombreux accessoires. »

Youboat : Est-ce que tout est fabriqué dans l’usine de Weihai ou avez-vous recours à des sous-traitants ?

Julien Carussi : « La Chine ce n’est pas l’Europe, je veux dire par là que la culture nautique n’est pas encore très bien implantée et que ce n’est pas évident de trouver un fournisseur pour des produits nautiques. Du coup, nous faisons quasiment tout en interne. Cela commence par les coques. L’avantage de l’aluminium c’est que nous n’avons pas besoin de moule, nous dessinons les bateaux sur ordinateur en 3D et en 2D  puis nous fabriquons des prototypes.

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Avec ce système, c’est facile de faire plusieurs bateaux de test pour trouver la meilleure carène. Nous avons donc un bureau d’étude en interne et nous travaillons aussi avec des designers externes. L’aluminium est d’origine chinoise, nous en achetons 50 tonnes par mois, ce qui nous permet d’avoir un prix correct et le tissu Orca vient bien entendu de chez Pennel et Flipo. La plupart des accessoires sont quant à eux fabriqués à l’usine. »

Youboat : Quelle va être l’évolution de la gamme dans le futur ?

Julien Carussi : « Nous sommes avant tout un fabricant d’annexes et de bateaux robustes de moins de 10 m. Nous n’avons pas l’image ou le savoir-faire pour aller concurrencer les maxi ribs italiens, par exemple. Aujourd’hui, notre cœur de métier, ce sont des bateaux de 6 à 7 m. Nous avons évidemment un 8,60 m, peut-être que nous ferons plus gros, mais en restant raisonnable.

Nous allons également continuer à travailler sur les séries Sport, pour rendre les bateaux plus raffinés, mais nous souhaitons avant tout rester accessibles. Notre but c’est de faire du volume et donc de conserver des prix raisonnables. À ce titre, nous avons même fait des efforts et baissé nos marges pour baisser les prix. »

Youboat : Avec le succès rencontré par Highfield, envisagez-vous d’installer des usines dans d’autres pays ou de faire de la croissance externe ? 

Julien Carussi : « Nous avons ici un gros savoir-faire et les compétences ne manquent pas. Après, il est vrai que nous réfléchissons parfois à l’idée d’implanter des sites de production ailleurs dans le monde, notamment pour les gros bateaux. Cela pourrait, par exemple, être le cas aux USA ou nous avons déjà, une petite unité à Cadillac dans le Michigan. Si on le fait, ce sera probablement de manière progressive avant d’avoir une usine 100 % délocalisée. Ensuite, notre position de leader, ce n’est pas une fin en soi, nous avons encore beaucoup à faire. Aujourd’hui, nous sommes présents dans 46 pays, vendons plus de 10 000 bateaux par an et avons environ 370 employés, mais il y a encore des marchés à développer. Et puis qui sait, nous pouvons aussi aller vers le marché du rigide ou faire de la croissance externe, rien n’est figé. »

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